La tribu des Bennou Slimane

C’est dans le creux d’un désert de dunes que s’abrite un hameau d’une centaine de maisons construites en terre crue où loge une tribu de bédouins. Ce désert de la péninsule au climat sec et chaud est immense. Les nomades qui y vivent l’ont si bien apprivoisé. Ils connaissent d’ailleurs tous les secrets que leur territoire renferme et toutes les histoires de chaque parcelle. Ils ont su s’adapter à la rudesse de leur climat et à dompter cet environnement hostile.

La tribu des Bennou Slimane est redoutable. Les tribus avoisinantes la craignent et la ménagent car susceptible au moindre détail. Pour un rien, ces bédouins brandissent leurs sabres et partent en guerre. Héritière d’un passé glorieux dont elle est fière, elle le maintient par la force en le faisant savoir à tous. Sur leur étendard, un palmier coincé entre deux sabres symbolise le caractère difficile et violent de cette communauté.

Leur chef, Slimane II, est un jeune prince héritier placé sur le trône par son père le Roi Slimane I mettant ainsi fin aux convoitises de ce siège si précieux par les cousins. Le Roi avec sa bénédiction, lui donne plein pouvoir. De folles ambitions le traversent et déjà, il rêve de se bâtir un empire. Fasciné et emporté par sa jeunesse, sa fougue, sa richesse et de tous les éloges portés à son égard par son entourage hypocrite, il décide sans plus tarder de se mettre en campagne car le monde lui appartient.

Ce jeune homme d’une trentaine d’années, à la carrure imposante, robuste et courageux, nous fait penser à tous ces héros qui ont marqué leur passage sur terre d’une forte empreinte. Le mythe de César et d’Antar le taraude et nourri par cette obsession, il se fixe des objectifs. Un chef charismatique dit-il à ses lieutenants ne doit pas ressembler aux autres. Perché sur son trône, il claque des doigts et c’est son index qui commande pour obtenir ce qu’il désire. Une magie qui fonctionne à tous les coups. Quand il fixe ses sujets, personne ne peut deviner qui est visé et personne n’arrive à déchiffrer son message. La forme ovale de son visage basané et enveloppé d’une barbe touffue  laisse entrevoir des dents blanches qui scient une langue indescriptible en crachant le même sourire morne. Sa démarche boiteuse est parfaitement synchronisée aves tous ses gestes et c’est sa voix morte qui menace la cour des miracles. Son tic sifflant sortant de son canal gauche d’un nez en bec d’aigle est apprécié par ses convives qui le trouvent beau car spécifique aux grands hommes. Son tic nous fait penser à ce jeune enfant grippé et sans mouchoir qui renifle toutes les dix secondes. Sa tête bien ronde est recouverte d’une écharpe à pois rouges que sert fortement un cordon noir pour le maintenir au niveau de son crâne. Sa tenue vestimentaire nous renseigne sur cette culture bédouine si bien conservée.

Slimane II, s’adressant à ses lieutenants, leur fait savoir que Vendredi est jour de prière, c’est aussi un jour de souk. Les commerçants qui viendront pour la circonstance seront aussi informés de notre grand projet et nous serviront de messagers. Préparez-leur donc un texte convaincant, court, facile à comprendre et facile à retenir. Notre berah doit  informer la population tout en essayant d’en récolter un maximum. Je veux tout savoir, tout vous dis-je .Ce que pense le peuple de moi, et les étrangers hein ! Les étrangers, oui, eux, oui je veux tout savoir. Ecoutez ce qu’ils se disent, leurs critiques qu’elles soient bonnes ou mauvaises, vous comprenez, je veux tout savoir. Je veux découvrir qui sont mes amis et qui sont mes ennemis. J’exige des noms, des adresses, des détails sur tout le monde. Je ne veux pas être pris au dépourvu. La réussite de mon projet dépendra de votre efficacité.

Vendredi, dès l’aube, les portes de la grande oasis Dariha furent ouvertes par son ange gardien Mamirad, le fidèle serviteur du Roi. Les caravanes des premiers commerçants bédouins pénétrèrent en toute quiétude dans l’enceinte même de la cité. Le souk Dariha était le plus grand et le plus important de la région. Les habitués retrouvèrent leurs emplacements et aussitôt, déballèrent leurs marchandises. Dans ce souk, on y trouve de tout : Des épices, des tissus, des bijoux, des herbes et racines médicinales, du thé, du pain, des huiles, du lait, du beurre, des bêtes, et un trafic en tous genres…